Eutrophisation

Eau de baignade, eau potable, consommation de poisson… les risques de contamination liés à l’eutrophisation et aux cyanobactéries sont nombreux, et les effets à long terme encore mal connus.

L’eutrophisation est l’enrichissement des eaux en nutriments par des substances (nitrates et phosphates) favorisant le développement des plantes et, en particulier, des algues. La décomposition de ces masses végétales a pour conséquence une diminution de la teneur en oxygène dissous avec, parfois, dégagement de gaz nauséabonds. Ceci pouvant se traduire par une réduction de la faune aquatique, très sensible à la teneur en oxygène dissous.
L’eutrophisation est donc le passage d’un stade pauvre en éléments nutritifs (on parle alors d’un état oligotrophe) à un stade riche (état eutrophe). C’est une évolution naturelle des milieux lacustres. Ce processus de vieillissement est, en général, très lent et se produit à l’échelle des temps géologiques. Les activités humaines peuvent considérablement l’accélérer. C’est alors un dysfonctionnement du processus d’eutrophisation appelé dystrophisation (ou parfois eutrophication).

INFLUENCE DE L’AZOTE ET DU PHOSPHORE

Les principaux nutriments du phytoplancton sont les composés azotés et phosphorés. Suivant la concentration de ces deux éléments (N azote et P phosphore) soit l’azote soit le phosphore limite le développement (loi de Liebig). Le phosphore est généralement le facteur limitant dans les milieux naturels d’eau douce tandis que l’azote est limitant en milieu marin.
En eau douce les seuils du rapport N/P (Azote / Phosphore) sont les suivants:

N – limitant Intermédiaire P – limitant
< 4.5 4,5 – 6 > 6

Pour simplifier, nous supposerons par la suite que le seuil est de 5. C’est à dire que les nutriments sont optimisés quand il y a 5 fois plus d’azote que de phosphore. Si la quantité d’azote est inférieure à 5 fois la quantité de phosphore nous sommes dans une situation d’azote limitant.

Si la quantité d’azote est supérieure à 5 fois la quantité de phosphore nous sommes dans une situation de phosphore limitant.

NIVEAU TROPHIQUE D’UN LAC

Le niveau trophique de l’eau, c’est à dire sa teneur en nutriments peut être déterminé de plusieurs façons. Soit on mesure directement la teneur en nutriments azote et phosphore, soit on en mesure les conséquences : transparence de l’eau à l’aide du disque de Secchi ou charge organique à partir de la teneur en chlorophylle a.

Comme le phosphore est presque toujours l’élément limitant pour les lacs, les trois mesures habituellement utilisées sont :
  • La teneur en phosphore
  • Le disque de Secchi
  • La chlorophylle a

Mesure du phosphore

Le phosphore peut être présent dans l’eau sous différentes formes. Une partie est en solution dans l’eau, ce sont les orthophosphates. Une autre partie est assimilée par les algues, c’est le phosphore organique. La répartition entre ces deux formes varie rapidement, même au cours d’une seule journée suivant le développement des algues. Aussi préfère-t-on, en général, mesurer la teneur en phosphore total, désignée par les lettres TP, qui est la somme des teneurs en orthophosphates et en phosphore organique.

Pour réaliser la mesure du TP une étape préliminaire de digestion est effectuée. Elle sert à convertir toutes les formes de phosphore en orthophosphates.

La teneur en TP est beaucoup plus stable au cours du temps et reflète mieux la richesse de l’eau en nutriments.

Mesure de la transparence – disque de Secchi

La méthode généralement utilisée pour mesurer la transparence de l’eau des lacs est celle du « disque de Secchi ».
Il s’agit d’un disque de 20 cm de diamètre peint en quatre secteurs alternativement noirs et blancs. Ce disque est plongé dans l’eau, la mesure est la moyenne entre la profondeur à laquelle il n’est plus visible et la profondeur à laquelle il redevient visible en le remontant.

Mesure de la chlorophylle a

La conséquence directe de la richesse de l’eau en nutriments est le développement des algues. Pour mesurer ce développement, on utilise la teneur en chlorophylle a.
Pour pouvoir effectuer des comparaisons, cette mesure doit être effectuée en été, quand le développement de la biomasse est maximum.


Synthèse des différentes mesures

Mesure Oligotrophe Mésotrophe Eutrophe Hypereutrophe
Secchi (m) >5 2,5-5 1-2,5 <1
Chlorophylle a (µg/L) <3 3-8 8-25 >25
Phosphore (µg/L) <10 10-30 30-100 >100
D’après Gouvernement du Québec, « Le Réseau de surveillance volontaire des lacs », 2023.
https://environnement.gouv.qc.ca/eau/rsvl/methodes.htm


Cyanobactéries

Les cyanobactéries (ou algues bleues) sont des algues de très petite taille, invisibles individuellement à l’œil nu. Leur multiplication rend l’eau trouble et des épisodes de développement rapide, les blooms provoquent la formation d’une couche d’aspect huileux ou granuleux à la surface de l’eau. Les blooms durent environ une semaine, le plus souvent en fin d’été mais ils peuvent se produire toute l’année. Les blooms de certaines espèces d’algues ou de certaines espèces de cyanobactéries peuvent entraîner la formation de substances toxiques.
La croissance des cyanobactéries est plus faible que celle de la plupart des algues. Elle est favorisée par des températures élevées (supérieures à 25 °C), des eaux riches en nutriments et des pH élevés.

Toutes les algues ainsi que les cyanobactéries ont besoin de phosphore d’azote et de lumière. Si l’eau contient peu d’azote en solution sous forme de nitrate, certaines cyanobactéries, capables d’assimiler l’azote atmosphérique (sous forme de gaz dissout), vont consommer tout le phosphore et faire régresser les autres algues. Cette compétition se manifeste aussi au niveau de la lumière. La régression des herbiers situés au fond des lacs peut être due à la diminution de la lumière qui leur parvient atténuée par les cyanobactéries en suspension dans la partie supérieure de l’eau.
Donc, bien que se reproduisant plus lentement que la plupart des algues, les cyanobactéries disposent de caractéristiques spécifiques qui leur permettent de coloniser rapidement des plans d’eau. Leur élimination est extrêmement difficile.
Durant la nuit les cyanobactéries se regroupent à la surface. Si le vent est faible, elles ne sont plus brassées par les vagues et forment une écume. Les écumes sont donc plutôt visibles le matin. Les écumes peuvent atteindre plusieurs centimètres d’épaisseur et, parfois, dépasser 10 cm. Toutes les écumes ne sont pas dangereuses et seule une analyse permet de déterminer si des cyanobactéries toxiques en sont la cause.

Conséquences et effets sur la santé

La contamination peut se faire au cours d’une baignade, par l’eau de boisson ou par la consommation de poisson pêché dans des eaux contenant des cyanotoxines. Leur forte toxicité peut provoquer rapidement des symptômes graves, ne débouchant que rarement sur une issue fatale chez l’homme. Les effets de l’ingestion de faibles doses durant une longue période, par exemple par l’intermédiaire de l’eau de boisson, sont à redouter bien que mal connus. Seules des mesures préventives ont montré une efficacité. Il s’agit, en premier lieu, de réduire la quantité de phosphore arrivant dans les lacs et rivières en ne perdant pas de vue que l’unité de temps pour mesurer des résultats est la dizaine d’années.

Azote et phosphore

L’azote et le phosphore sont les substances favorisant l’eutrophisation. L’azote est nocif pour l’homme à partir d’une concentration de 50 mg/L dans l’eau potable sous forme de nitrates, et de 500 µg/L sous forme de nitrites. Les nitrates provoquent anémies et méthémoglobinémie, en particulier chez l’enfant de moins de quatre ans. Une augmentation du risque de cancers de l’œsophage et de l’estomac est suspectée.
Le phosphore (ou plus exactement les phosphates) n’est pas toxique pour l’homme sauf à des concentrations très élevées. Sa toxicité est indirecte, par le développement de la biomasse et la formation de cyanotoxines et de trihalométhanes dans les usines de production d’eau potable.

Cyanotoxines

Certaines espèces de cyanobactéries sont susceptibles de produire des substances toxiques : les cyanotoxines. Elles peuvent agir au niveau du foie (hépatotoxines), du cœur (cardiotoxine), du système nerveux (neurotoxines), du patrimoine génétique (génotoxine) ou de la peau (dermatotoxines). Elle peuvent aussi avoir des effets cancérigènes ou provoquer des dérèglements hormonaux. Les neurotoxines agissent très rapidement, en quelques minutes. L’action des hépatotoxines est plus lente. Les cyanotoxines sont dangereuses pour l’homme et les animaux ainsi que le zooplancton qui se nourrit de ces algues. Une même substance peut avoir des actions différentes suivant la dose et la durée. Les cancers sont souvent la conséquence d’une intoxication chronique. Nous pouvons constater qu’une cyanobactérie peut produire plusieurs cyanotoxines et qu’une même cyanotoxine peut être produite par plusieurs cyanobactéries. Ceci va, bien sûr, compliquer les analyses. De plus les cyanotoxines ne sont pas réparties uniformément à l’intérieur d’une masse d’eau. Elle sont souvent plus concentrées en surface ainsi que dans les zones où les cyanobactéries sont regroupées par le vent. La plupart des cyanotoxines ne sont libérées par les cyanobactéries qu’à la mort de ces dernières. Les traitements de blooms aux algicides ont donc pour conséquence de disséminer les cyanotoxines rendant l’eau plus dangereuse qu’elle ne l’était auparavant.

Toxicité indirecte

Concernant l’eau de boisson, des niveaux de phosphates supérieurs à 1 mg/L peuvent interagir avec le processus de floculation dans les usines de traitement des eaux. Une forte charge organique de l’eau avant traitement peut réagir avec le chlore et former des substances cancérigènes : les trihalométhanes.
Pour l’eau de baignade, et indépendamment des toxines qui peuvent être libérées dans l’eau, le développement excessif de cyanobactéries favorise la prolifération d’organismes peu désirables. En particulier le bacille du botulisme peut se développer rapidement dans les sédiments organiques.

Observations sur le lac de Cazaux – Sanguinet

Voici un aperçu des observations de blooms sur le lac de Cazaux-Sanguinet ou sur les eaux en communication avec lui.

Photo prise le 6/10/2010 du « Canalot », canal communiquant avec le lac de Cazaux-Sanguinet. Cause du bloom non déterminée avec certitude, vraisemblablement cyanobactéries.
Photo prise le 6/10/2010 du « Canalot », canal communiquant avec le lac de Cazaux-Sanguinet.
Cause du bloom non déterminée avec certitude, vraisemblablement cyanobactéries.
Photos prises le 4/10/2011 du « Canalot », et observations au microscope. Cause du bloom : vraisemblablement Microcystis aeruginosa.
Photos prises le 4/10/2011 du « Canalot ».
Cause du bloom : vraisemblablement Microcystis aeruginosa.
Observation de blooms au microscope
Observation de blooms au microscope
Observation de blooms au microscope.
Observation de blooms au microscope.

Chlorophycées

Les Chlorophycées sont des « algues vertes » présentes aussi bien dans l’eau douce que dans l’eau de mer. Elles peuvent vivre sous forme de cellules isolées ou sous forme de groupes de cellules (colonies).
Les Chlorophycées contiennent de la chlorophylle a et b, d’où leur nom. Elles contiennent aussi du carotène de couleur orangée.

Début septembre 2016, des dépôts de couleur rouge sont apparus le long de la plage entre Navarrosse et Ispe.
Dépôts rouges sur la plage entre Navarrosse et Ispe
Dépôts rouges sur la plage entre Navarrosse et Ispe.

Au microscope, on observe des amas (colonies) de microalgues, mesurant environ 100 µm de diamètre.
Observations au microscope.
Observations au microscope
Observations au microscope.
Observations au microscope

Ces observations ont été transmises à la communauté de communes et à l’Irstea. Malgré la couleur des dépôts sur la plage, il s’agit probablement d’une « algue verte » (chlorophycée) : Botryococcus braunii. En fait la couleur de cette algue peut varier du vert au rouge en passant par le jaune.
Elle ne semble pas toxique pour l’homme. Il existe, par contre, une toxicité pour certains micro-organismes et poissons. Les blooms se forment en présence de niveaux élevés de phosphore inorganique dissout.