L’évaluation économique permet de faire un choix entre plusieurs solutions en comparant leur ratio coûts-bénéfices. C’est donc une aide à la décision.

Analyse coûts – bénéfices

L’analyse coûts – bénéfice (ACB ou CBA en anglais) consiste à estimer les différents coûts d’un projet ainsi que les différents gains et, dans la version la plus simple de la méthode, à calculer le rapport bénéfices / gains. Les coûts et les gains sont pris en compte, qu’ils soient certains ou qu’ils aient une certaine probabilité.
Les économistes n’attribuent pas la même valeur à une même dépense ou un même gain suivant la date à laquelle ils sont effectués. La prise en compte de ce facteur se fait, comme déjà évoqué, par l’utilisation de la valeur actuelle nette (VAN), du taux de rentabilité interne (TRI) ou de techniques similaires d’actualisation. Il est alors possible soit de déterminer si un projet est rentable, soit de comparer plusieurs projets.

« Nul ne s’étonnera néanmoins que les décisions effectives soient parfois prises sur bien d’autres bases que cette approche analytique. Les raisons de cet état de fait tiennent à la place accordée aux fonctions de bien-être « politique » au détriment des fonctions de bien-être social établies par les sciences économiques, à la défiance ou à l’incrédulité suscitées par la conversion en valeurs monétaires, à la mainmise qu’exercent sur les politiques ceux qui ne possèdent aucune formation économique, à la conviction que l’économie est une simple affaire de « bon sens » et qu’elle est aisée à comprendre, ainsi bien entendu qu’à une réelle méfiance à l’égard de l’ACB et de ses fondements théoriques, compte tenu des débats qui se poursuivent à l’intérieur comme à l’extérieur du cercle des spécialistes de l’analyse coûts-bénéfices » (OCDE, Analyse coûts-bénéfices et environnement, Développements récents, 2006).

Exemple d’utilisation de l’ACB

La méthode ACB est utilisée dans des domaines très variés. Une des utilisation les plus fréquentes est l’optimisation des choix pour les transports, en particulier en Grande Bretagne.
L’utilisation de cette méthode y a été formalisée sous le nom de NATA New Approach to Appraisal (nouvelle approche d’évaluation). Voir Department for transport, Major Scheme Appraisal in Local Transport Plans Part 1: Detailed Guidance on Public Transport and Highways Schemes, 2003.
Cette méthode prend en compte explicitement les aspects environnementaux, bruit, qualité de l’air, effet de serre…

Difficultés de l’ACB

La première difficulté est la monétarisation (la conversion en valeur monétaire), en particulier pour ce qui concerne l’environnement. Quelle valeur faut-il accorder à un paysage ou à la disparition d’une espèce ? Cette difficulté est contournée par l’utilisation du « consentement à payer » ou CAP qui est décrit ci-dessous. Il existe aussi d’autres méthodes indirectes d’évaluation.

L’estimation des coûts est souvent très imprécise. Des sous-estimations de 50% ne sont pas rares (voir les projets Concorde, tunnel sous la Manche…). L’estimation des gains n’est guère meilleure (par exemple estimation du nombre de véhicules devant fréquenter une autoroute).

Mais une des principales difficultés est l’estimation des risques, c’est à dire des coûts qui ne sont pas certains mais ont seulement une probabilité de se manifester. Pour des accidents « classiques » l’estimation des risques est facile à faire à partir de statistiques, c’est ce que font les compagnies d’assurance pour fixer les montants des primes incendie des habitations. Quand ils s’agit de risques nouveaux comme l’introduction d’un nouveau pesticide, d’OGM… l’estimation est beaucoup plus difficile.
A titre d’exemple, les estimations du risque d’accident majeur dans une centrale nucléaire faites en 1974 variaient de 10-4 à 10-12 (soit de une chance sur 10000 à une chance sur un million de millions) par réacteur et par année !

D’autres difficultés, au niveau du calcul économique, concernent le taux d’actualisation.

METHODES SPECIFIQUES ENVIRONNEMENT

Toutes les méthodes spécifiques aux questions environnementales sont basées sur une analyse économique. Elles diffèrent essentiellement par les outils qu’elles proposent pour estimer les coûts et les gains. Elles abordent aussi la gestion des risques environnementaux, la communication…

WATECO

La Directive Cadre sur l’Eau (DCE) 2000/60/CE du 23 octobre 2000 conseille l’utilisation de méthodes précisées par le groupe de travail WATECO dont un résumé est disponible dans le document suivant :
Direction des Etudes, de la Prospective et de l’Evaluation Environnementales, Pôle Evaluation et Prospective, L’économie dans la Directive cadre sur l’eau, Résumé du guide de méthode européen « Wateco », Juillet 2003.
En voici quelques extraits :

« Un des éléments clés de cette Directive est le rôle donné à l’économie dans la gestion des ressources en eau. Pourtant, les références à l’analyse économique et son rôle dans le processus de mise en place des plans de gestion restent assez vagues. Les annexes et les articles s’en rapportant sont peu précis quant aux approches à mettre en oeuvre, aux produits attendus et à l’intégration de cette analyse dans le processus général de développement de ces plans de gestion.
Un groupe de travail, dit “ WATECO ” pour WATer ECOnomics, animé par la France et la Commission Européenne, a donc développé un document guide afin de définir les démarches à suivre pour mettre en place un programme de mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés par la Directive. Ce document n’a pas de statut obligatoire, mais il forme la référence centrale avec laquelle les instances européennes jugeront de la conformité des travaux réalisés dans les Etats-membres avec la Directive, pour les questions relatives à l’économie. Ses annexes constituées de fiches d’information n’ont qu’un caractère indicatif. »

« L’annexe III demande aux Etats-membres une analyse des coûts et de l’efficacité de chacune des actions potentielles afin de sélectionner celles qui présentent le meilleur ratio coûts-efficacité. »

Réglementation française

La réglementation française complète et précise la DCE.
Cf. http://aida.ineris.fr/textes/circulaires/text4345.htm
Nous présentons quelques extraits de la « Circulaire du 22 avril 2004 relative à l’analyse de la tarification de l’eau et à la récupération des coûts des services en application de l’article 9 de la directive 2000/60/DCE du 23 octobre 2000 du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (BOMEDD n° 4/11 du 15 juin 2004) » :

« La récupération appropriée des coûts des services et des coûts pour l’environnement en application du principe pollueur-payeur. La directive n’impose pas une récupération totale des coûts. Elle a par contre une exigence de transparence.
Concrètement, il convient de publier les données disponibles sur : l’évaluation du taux de couverture par le prix de l’eau des coûts financiers des services (coûts de fonctionnement, de maintenance et de renouvellement des ouvrages) ; l’origine des financements du secteur de l’eau (subventions sur fonds publics ou/et subventions croisées entre les secteurs économiques) ; le recouvrement des coûts pour l’environnement et la ressource par l’application du principe pollueur payeur. »

« L’article 5 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 instituant un cadre dans le domaine de l’eau demande d’établir, pour fin 2004, une analyse économique de l’eau, précisant, en application de l’article 9, comment les « différents secteurs économiques (…) contribuent de manière appropriée à la récupération des coûts des services de l’eau (…) compte tenu du principe pollueur-payeur ». Il ne s’agit pas de récupérer la totalité des coûts mais de mettre en œuvre une récupération « appropriée ». »

« Le guide européen sur l’analyse économique (guide WATECO dont une traduction en français est disponible sur l’intranet de la direction de l’eau) précise notamment que les activités à l’origine de pollutions diffuses ayant un impact sur l’état des eaux sont à considérer comme des utilisations de l’eau (annexe II.III, encart p. 3). Comme précisé dans ce document, les activités à l’origine de pollutions diffuses, même ne prélevant pas de l’eau dans le milieu naturel, doivent ainsi être considérées comme des « utilisations de l’eau ». Des activités agricoles ou d’entretien de voies de circulation, même non utilisatrices d’eau par pompage, mais impliquant un accroissement des teneurs en pesticides des masses d’eau, doivent donc être considérées comme des « utilisations de l’eau » en application de la directive. Par contre, des activités de baignade ou de pêche peuvent ne pas constituer des « utilisations de l’eau » au sens de la directive !  »

« La mise en œuvre du principe pollueur-payeur permet de mettre les coûts pour l’environnement et les ressources (dont les coûts de compensation) à la charge des services et des utilisations de l’eau (= activités influant sur l’état des eaux) à l’origine de la dégradation de l’état des eaux.
Cette contribution des secteurs économiques doit être définie de « manière appropriée » : la directive ne demande pas aux activités responsables de la dégradation de la ressource de contribuer directement au financement des services ! La “ manière appropriée ” correspond ici à la mise en place d’un dispositif de taxes et de redevances environnementales en application du principe pollueur-payeur.
Elle doit être établie « compte tenu du principe pollueur-payeur » : il s’agit de rendre compte comment l’application du principe pollueur-payeur permet de mettre à la charge des pollueurs des coûts à hauteur des coûts supportés par les services et des coûts environnementaux du fait de la dégradation de l’état des eaux. La version anglaise en utilisant le terme adequat implique que cette contribution doit être d’un niveau suffisant. »

Evaluation des risques – accidents

L’évaluation des risques est un processus complexe. D’autant plus complexe que les facteurs humains sont souvent aussi ou même plus importants que les facteurs techniques.
Par exemple, l’étude des causes de l’accident de Tchernobyl met en évidence :
  1. Des causes techniques liées à la conception de la centrale : instabilité du réacteur à faible puissance, lenteur de réaction des barres de contrôle, manque de dispositifs de sécurité… La plupart de ces défauts de conception étaient connus avant l’accident.
  2. Des causes humaines : non respect des règles de sécurité, mise hors circuit de dispositifs de sécurité, formation insuffisante…
  3. Des causes politiques. Il s’agit de décisions prises en général par le management sans tenir compte des impératifs de sécurité, peut-être même sans conscience des conséquences.

Jacques FROT (FROT J., Les causes de l’événement Tchernobyl, 2000) fait observer que dans ce cas les causes politiques, en particulier la nécessité de produire du plutonium à des fins militaires, ont été déterminantes. A tel point que, de son point de vue, l’accident n’était plus probable mais certain.

De même dans le cas de l’accident du Tupolev 144, le concurrent de Concorde, en 1973 à Goussainville des causes politiques sont fortement suspectées. La rivalité entre les deux projets était très forte et des modifications destinées à permettre au TU-144 de surpasser Concorde en démonstration auraient été effectuées la veille de l’accident, compromettant gravement la sécurité de l’appareil.

Malgré ces difficultés il faut :
  1. Identifier les risques, puis pour chaque risque évaluer :
  2. Sa gravité, en pratique son coût,
  3. Sa probabilité.
Le risque se définit comme le produit de la gravité par la probabilité.

Pour évaluer les risques, les compagnes d’assurance utilisent des bases de données contenant un historique de risques similaires. Mais pour les risques industriels il est difficile de trouver des situations comparables dont l’expérience aurait pu être utilisée pour l’évaluation.

La cindynique regroupe les sciences qui étudient les risques.

Evaluation des risques environnementaux

Par rapport à des risques d’accidents, l’incertitude liée aux risques environnementaux comporte une composante supplémentaire. Nous ne nous intéressons pas ici à l’éventualité d’un accident dont certaines des conséquences concernent l’environnement. Nous supposons la pollution certaine et essayons de déterminer quels sont les impacts sur l’écosystème, les populations…
L’incertitude résulte principalement de l’imperfection de nos connaissances en écotoxicologie et de la variabilité inter espèce. Exemple de problème de ce type : combien de cas de cancer vont être induits dans une population donnée par la présence de la substance x à une concentration de y µg/L dans l’eau potable durant z années ?
Le cas de l’amiante montre que même pour des substances connues et utilisées depuis longtemps une large marge d’incertitude peut demeurer.

Les externalités

Les externalités sont des effets non pris en compte dans les échanges économiques. Ils sont donc externes à ces échanges. C’est, en fait, la collectivité qui est affectée par ces effets. Les externalités sont dites positives quand elles bénéficient à la collectivité et négatives quand elles sont une charge pour la collectivité. Les pollutions sont l’exemple type d’externalité négative. Toute utilisation de bien commun sans contrepartie est également susceptible de créer des externalités négatives. Les exemples d’externalités positives sont nettement plus rares. Le cas universellement cité est celui des abeilles qui pollinisent les fleurs des champs voisins sans compensation. Les externalités créent un déséquilibre des marchés aboutissant à des solutions non optimales pour la collectivité.

Différentes solutions ont été proposées à ce problème des externalités qui se traduisent par une prise en compte appelée « internalisation des externalités ».

Evaluation contingente – consentement à payer

Consentement à payer ou consentement à recevoir
« Le consentement à payer est l’une des manières d’estimer la valeur d’un bien ou d’un service environnemental. C’est la mesure appropriée lorsque l’évaluation contingente propose aux personnes interrogées d’acheter un bien (par exemple, une amélioration de l’état écologique d’une masse d’eau).
Le consentement à recevoir est le concept théorique approprié quand l’évaluation contingente demande aux personnes interrogées de renoncer au bien étudié. Il peut correspondre par exemple à un dédommagement pour compenser la présence d’une usine d’incinération d’ordures ménagères à proximité du lieu de résidence des personnes interrogées.
Dans la plupart des études, c’est le consentement à payer qui est utilisé. En effet, il est généralement très difficile d’obtenir des valeurs fiables avec des questions portant sur le consentement à recevoir, en raison notamment de comportements stratégiques de la part des personnes interrogées. »
(d’après Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, Guide de bonnes pratiques pour la mise en œuvre de la méthode d’évaluation contingente)

Le consentement à payer est fonction des revenus et de l’age des personnes concernées ce qui rend son utilisation délicate.

L’évaluation contingente permet de définir la valeur d’un bien pour lequel il n’existe pas de valeur de marché comme un site naturel, un monument historique…